Le 11 Octobre 1957
Le train arriva vers 23h à la gare d'Arkham. Le dernier départ depuis Boston, et le moins cher.
La jeune femme descendit du train en tirant sa valise noire et usée, aidée par un agent ferroviaire aux allures de robots, visiblement fatiguée et peu attentif à ce qui l'entourait, c'était à peine s'il était conscient de lui-même, vaincu par la routine.
Elle se retrouva finalement seule, face au vieux bâtiment qu'était la gare. Seule, de nuit, dans une ville inconnue et silencieuse, en dehors de la machinerie des wagons.
Le train repartit assez vite, comme pressé, dans un vacarme d'acier et de grincements s'affaiblissant à mesure qu'il s'éloignait, jusqu'à ne laisser place qu'à un silence encore plus pesant. Seuls les grillons crissaient au loin, donnant un semblant de vie à ce tableau sinistre.
La jeune femme tira sa valise vers elle, et, la soulevant du mieux qu'elle pouvait, la porta tant bien que mal jusqu'à la route. Elle regarda autour d'elle : Les rues étaient vides et aucun bruit, en dehors des grillons et félins de passage, ne laissait penser que quelqu'un pourrait aider.
Finalement, elle tomba sur une pancarte sur laquelle était affichée la carte de la ville, marquée d'un "vous êtes ici". Elle fouilla dans la poche de son long manteau rouge en laine et en sortit un petit papier sur lequel était écrit une adresse.
- "West Armitage Street" Se dit-elle à elle-même tout en cherchant sur la carte.
Quelques instants plus tard, elle nota le trajet, récupérant par la même occasion la dernière édition de la Gazette et de l'Advertiser qui reposaient sur un banc, puis elle se mit en route, traversant les rues et ruelles de nuit.
Comme prévu, les clés de l'appartement se trouvaient sous le pot de fleur du dernier étage. La vieille serrure résista quelques secondes, avant que Liann ne prenne l'initiative de soulever la porte grinçante.
- "Moins fort avec la porte !" entendit-elle, un peu étouffé, d'un étage inférieur.
- "Déso-..." elle baissa légèrement la voix, avant de reprendre : "Désolée !"
Lorsqu'elle referma la porte derrière elle, l'appartement entier trembla sous le passage d'un train sans arrêt. Elle s'agrippa par réflexe au mur le plus proche et se figea jusqu'à ce que cette mini fin du monde locale s'arrête.
La jeune femme soupira doucement. Voila donc l'endroit où elle allait passer ses premiers jours. En dehors des trains, ce n'était pas si terrible. Elle s'avança alors dans la pénombre, tâtonnant vaguement les murs dans l'espoir de trouver interrupteur de cette fichue lumière. Ses doigts glissèrent sur le plastique froid dont était fait le petit bouton blanc, jaunit par le temps, avant d'appuyer maladroitement dessus.
L'ampoule clignota trois à quatre fois, avant de s'éteindre, puis de s'allumer. Liann attendit un petit instant, vérifiant qu'elle n'allait ni s'éteindre, ni exploser, puis alla chercher sa valise, qu'elle posa sous le lit, trop fatiguée pour ranger ce quelle contenait.
L'appartement était vieux. Le papier peint beige, au moins la dernière couche, commençait à se décoller là où les bords avaient séchés et bruni. L'odeur de peinture était encore présente alors que les derniers travaux semblaient avoir eu lieu en même temps que l'invention de cette dernière. Les meubles étaient tout aussi âgés. D'anciens meubles, à l'époque sûrement très beaux, mais aujourd'hui poussiéreux et décolorés, donnant sur le beige granuleux plus que le brun verni et lisse. Si un cafard était passé sur un mur, Liann lui aurait accordé un droit de présence. C'était bien le genre d'endroit où ces saletés trainent.
Elle garda les journaux en main tout ce temps et se jeta finalement, en faisant attention, sur son lit grinçant, avant de s'informer sur son nouveau foyer. Elle sortit rapidement son carnet de notes en lisant les articles.